Fret SNCF au bord du gouffre
En France, alors que la Première ministre vient de demander au secteur des transports d’accélérer ses efforts de décarbonations, le ministre des transports a annoncé mardi que l’un des moteurs de la politique, Fret SNCF, filiale dédiée au transport de marchandises, doit se restructurer, afin d’éviter des sanctions de la part de la commission de l’Union Européenne (UE).
La Commission a déclaré en janvier qu’elle enquêtait sur les aides d’État accordées entre 2007 et 2019 à l’unité de fret de l’opérateur ferroviaire public SNCF, qui contrôle actuellement la moitié du marché du fret ferroviaire en France. SNCF Fret emploie aussi quelque 5 000 individus. L’opérateur de fret ferroviaire aurait reçu quelque 5,3 milliards d’euros d’aides financières du gouvernement Français, qui seraient illégales, sous la forme d’une annulation totale de la dette de 5,3 milliards d’euros et une recapitalisation de 170 millions d’euros. Selon la Commission européenne, il pourrait s’agir d’une aide d’État qui fausserait la concurrence sur le marché.
Beaune négocie
Si la Commission pourrait déclarait ses aides illégales, ceci provoquerait automatiquement la faillite de Fret SNCF, incapable de rembourser. « Je me bats pour que Fret SNCF n’ait pas à rembourser ces 5 milliards d’euros. Il faut le dire très clairement, c’est la survie de Fret SNCF, du fret ferroviaire public en France qui est en jeu », a déclaré Beaune lors du journal télévisé « 8h30 France Info« , le jeudi 25 mars 2023. Le gouvernement Français cherche donc à négocier un compromis avec Bruxelles, et a proposé une solution qui consisterait à abandonner Fret SNCF tout en créant une société qui reprendrait une partie de ses activités mais qui serait suffisamment différente pour ne plus être éligible aux aides publiques.
Pour que Bruxelles accepte cette proposition, il faut que la « nouvelle » entité ait cédé une partie de ses actifs à des concurrents. Le gouvernement a présenté mardi lors d’une réunion avec le Ministères Écologie Énergie Territoires et le Groupe SNCF. Ils envisagent de transférer des trains dédiés à des concurrents de la SNCF. Ces trains de marchandises réguliers, qui sont loués par des clients exclusifs, représentent environ 30 pourcent du trafic et 20 pourcent du chiffre d’affaires de Fret SNCF, d’environ 750 millions d’euros. De plus, 500 emplois risquent d’être supprimés, bien que Beaune assure que les cheminots concernés seraient repris par la SNCF, ou transférés à d’autres opérateurs avec leur consentement.
Un autre point de contention est le “train des primeurs” relancé le 2 mai 2023, après la grève contre la réforme des retraites. Reliant Perpignan et Rungis, cette connexion a été fortement médiatisée, car elle joue un rôle phare dans la réduction des émissions de gaz à effets de serre. « Il y aura un train des primeurs qui assurera la liaison entre Rungis et Perpignan qui ne sera plus probablement Fret SNCF », indique-t-il. « Ça peut être un autre opérateur public ou privé », souligne-t-il sur France Info.
Syndicats mécontents
La CGT-Cheminots, de l’UNSA Ferroviaire, de SUD-Rail et de la CFDT-Cheminots ont exprimé leur mécontentement. Pour la CGT, cette réunion n’était qu’une façade. « Sans surprise, le gouvernement a opportunément endossé le rôle de coupable. Ce faisant, il [Beaune] renonce, sans ambiguïté, à défendre sa position auprès de la Commission européenne, activant la discontinuité, c’est-à-dire la perte d’une partie du trafic et la liquidation du FRET SNCF », selon la CGT. Des manifestants ont aussi exprimé dans les rues leur souhait de voir l’entreprise sauvée et ont fini par pénétrer dans les bureaux de la Commission européenne mardi, provoquant quelques heures de désordre à Paris.
D’après les syndicats, si Fret SNCF s’affaiblit, cela risque également de se traduire par un transfert modal vers la route, entraînant ainsi une augmentation des émissions de gaz à effet de serre, et allant à l’encontre du nouveau plan annoncé lundi par le gouvernement.
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