Mettre les camions sur les trains : plusieurs techniques
Vouloir doubler la part modale du rail d’ici 2030 n’implique pas de s’attaquer uniquement au trafic routier. Il faut que les techniques de transbordements suivent.
La technique de transport de semi-remorques sur train est désormais relativement mature, mais il faut aussi convaincre les chargeurs. Il faut donc que le transport ferroviaire convienne aux industriels, qui sont les premiers concernés. ²
Les semi-remorques diffèrent des conteneurs maritimes sur plusieurs points essentiels :
- Elles sont un poil plus larges que les conteneurs ;
- Elles sont un peu plus longues que les conteneurs ;
- Elles sont issues de l’économie routière européenne;
- Elles ne peuvent se manutentionner que par le châssis ou via un bac porteur.
Les conteneurs ISO – conçus pour le monde maritime -, n’ont plus changé de dimensions depuis leur invention, car les coûteux porte-conteneurs sont construits sur base desdites dimensions. Sans entrer dans les détails, il existe cependant des conteneurs qui ont gagné en hauteur et certains même en longueur, sans remettre en cause la largeur.
Les conteneurs maritimes sont des objets robustes mais relativement lourds. Ils ne conviennent pas toujours pour transporter un nombre maximum de palettes comme l’exige la logistique européenne. D’où la préférence au dimensions des remorques routières.
Les dimensions des remorques ont évolué petit à petit à la hausse, avec aujourd’hui un maximum de 13,60m de long et 2,70m de haut (4m au total avec les roues), pour un emport de 33 palettes ISO (ou 90m³).
Techniques de transbordement
Les 15 millions de conteneurs en circulation dans le monde sont caractérisés par leur robustesse et leurs cotes ISO sont des normes officielles établies dans les années 60. Ils sont manutentionnés par le haut à l’aide d’un spreader qui est un palier d’accroche standardisé dans le monde entier.
Les semi-remorques étant pour la plupart bâchées, elles ne peuvent pas être manutentionnées avec un spreader. Elles doivent être manutentionnées par le châssis, donc par le dessous. La manutention se fait via 4 pinces, et non un spreader comme pour les conteneurs. Les semi-remorques peuvent en revanche être manutenionnées dans des ferries.
Cette accumulation onéreuse d’équipements distincts a abouti finalement à la conception d’un combiné spreader + pinces, qui peut être chargé soit sur un portique, soit sur un reachstacker.
Récemment, un plateau de transbordement a été homologué. On y charge directement une semi-remorque dessus et le tout peut alors être transbordé sur un wagon poche classique.
Routes roulantes
Pour les indépendants – et les autres -, qui ne peuvent pas déposer leur remorque dans un terminal, comment accepter le tracteur sur un wagon ? Diverses contraintes techniques ont abouti à une diversité de techniques créatives au fil du temps :
- Dans les années 70, un wagon ultraplat et à petites roues fut créé dans l’aire germano-alpine. Ce système permet donc d’embarquer le camion complet (semi-remorque et tracteur), ainsi que le chauffeur, qui ne reste pas dans son camion mais prend place dans une voiture voyageurs attelée au train.
- Dans les années 90/2000, la SNCF soutînt fortement un industriel alsacien qui proposa – et propose toujours -, son concept dit « d’autoroute ferroviaire (AF) », la SNCF ayant créé une filiale dédiée à son exploitation, Viia. L’ AF traversant les Alpes et créée en 2003 entre Aiton (FR) et Orbassano (IT) est la seule à encore proposer le transport des tracteurs, mais le découplant de la semi-remorque. Depuis lors, d’autres AF ont vu le jour depuis Calais et Bettembourg (LU);
- La recherche effrénée du « déchargement sans grue » a abouti en Allemagne au concept très technologique de CargoBeamer. Il s’agit d’un plateau qui translate sur deux béquilles insérées dans le sol, ces béquilles allant déposer ledit plateau sur un wagon dont les bords ont été rabaissés. Conscient du haut degré de sophistication, CargoBeamer a rendu son plateau conforme à un transbordement vertical classique par reachstacker, pour desservir ainsi les terminaux non munis des béquilles.
Au final, mettre des camions sur les trains est une solution aujourd’hui mature mais il reste un gros travail de persuasion à effectuer.
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