Que signifie la libéralisation des trains régionaux ?
On observe actuellement une agitation sur la libéralisation des transports ferroviaires régionaux à l’approche d’une échéance prévue pour 2023. L’occasion de faire le point.
La libéralisation de l’ensemble du secteur ferroviaire a coûté quelques 30 années et quatre paquets législatifs au niveau européen. L’enjeu était – et reste -, selon ceux qui ont signé cette politique :
- de ne plus simplement renflouer les déficits sans demander de contrepartie ;
- de faire du chemin de fer un transport durable au niveau financier ;
- de voir quels sont les trains qui pourraient (sur)vivre sans subsides ;
- d’ouvrir le secteur ferroviaire à d’autres idées et à d’autres sources de financement.
Tout cela a conduit principalement à encadrer la politique ferroviaire à l’aide de contrats, de manière séparée en découpant le système en quatre secteurs qui ont leur vie propre :
- infrastructure ;
- service de trains locaux et régionaux ;
- service de trains grande ligne ;
- service de fret ferroviaire.
L’infrastructure fut la première à devenir « autonome » via des formules juridiques variées selon les états membre de l’Union. Dans tous les cas, l’infrastructure reste propriété de l’État. En Belgique, on a opté dès 2005 pour une société indépendante, tout comme en Espagne, en Suède ou aux Pays-Bas. La France, l’Allemagne et l’Italie ont préféré une structure plus proche de la holding pour leur chemin de fer respectif.
Les trains de marchandises furent libéralisés dès 2003 et les trains grandes lignes commerciaux dès 2010 pour toute l’Europe. Ces trains ne reçoivent plus de subsides directs et doivent vivre de leurs propres recettes. Certains pays conservent cependant une partie ou la totalité de leurs trains grande ligne sous contrat de service public.
Les trains du quotidien
Il restait alors le plus gros morceau, les trains locaux et régionaux. Ces derniers ont une dimension sociale – et donc politique -, importante puisqu’il s’agit du transport du quotidien pour lequel les usagers ne peuvent couvrir que 20 à 30% des coûts selon les pays et les régions, le reste devant être pris en charge par la puissance publique.
Or cette prise en charge impacte fortement les finances publiques et par delà, les choix gouvernementaux.
C’est cette raison qui explique l’application du contrat de gestion : on donne X millions par an pour exploiter 200 ou 300 trains par jours, toute l’année, selon un canevas convenu, avec des objectifs de ponctualité et de fiabilité, le tout sous couvert d’éventuelles pénalités en cas de manquements.
L’application de la politique du contrat permet aussi à un entrepreneur quelconque – moyennant évidemment de très nombreux critères techniques et juridiques -, d’opérer en libre accès ou sous couvert d’un contrat de service sur n’importe quel partie de l’Europe ferroviaire sans restrictions. On appelle ces opérateurs des « nouveaux entrants ». Ils peuvent être soit en concurrence directe avec l’opérateur historique, soit en complément de celui-ci.
Cette politique est d’application dans tous les pays de l’Union européenne. Certains pays ont délégué le trafic régional et local à leurs régions ou Länder en donnant la liberté de choisir l’opérateur/entrepreneur de leur choix : Allemagne, France, Suède, République tchèque et, de plus en plus, l’Italie.
D’autres ont choisi de ne le faire que sur un réseau dédié, généralement des lignes secondaires qui n’intéressent plus l’opérateur public : Pays-Bas et Danemark, par exemple.
La situation en Belgique
Infrabel est la seule entité chargée d’autoriser – ou non -, la circulation de tous les trains sur le territoire belge. La SNCB est donc « une cliente » d’Infrabel parmi d’autres. Thalys et Eurostar sont aussi des « clients » d’Infrabel, tout comme Lineas ou DB Cargo Belgium pour le fret.
En Belgique, Thalys et Eurostar agissent pour leur propre compte et ont toute liberté au niveau tarifaire, contenu et recrutement. Ce n’est pas le cas de la SNCB, qui gère le trafic régional et local sous contrat avec l’État belge.
Jusque 2023, les États membre ont eu la possibilité – parfaitement légale et prévue dans le quatrième paquet ferroviaire -, d’éviter l’appel d’offre pour le transport régional et local, en effectuant ce qu’on appelle un « direct award » (attribution directe).
Certains pays comme l’Allemagne, la France, la Suède ou les Pays-Bas ont mis en appel d’offre tout ou une partie de leurs services locaux, suivant des modalités variées. La Belgique n’a pas suivi ce modèle.
Elle a préféré reconduire pour les 10 prochaines années son opérateur historique, la SNCB, qui a pour mission d’exploiter la totalité des lignes intérieures du pays. Les Pays-Bas ont effectué la même démarche mais pour un peu plus de 90% des trains, le reste étant soumis à l’appel d’offre sur un nombre restreint de lignes locales, comme au Limbourg néerlandais.
Grosso modo, la Belgique ressemble à trois pays de taille comparable au niveau ferroviaire : la Suisse, les Pays-Bas et le Danemark. Avec cependant une nuance de taille : dans ces trois pays, il existe depuis longtemps des petites lignes ferroviaires exploitées par d’autres opérateurs que l’entreprise nationale historique.
Cette expérience a probablement nourri les textes de la politique ferroviaire de la Commission européenne.
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