Fin de la coopération France-Espagne
La SNCF a signifié la semaine dernière la fin de la coopération avec sa consoeur du service public espagnol Renfe. Une page se tourne mais chacun fera circuler ses trains à ses risques.
Il y a plusieurs manière d’exploiter les trains internationaux en Europe :
- soit une entreprise s’allie avec la voisinne et partage les coûts d’exploitation. C’est la coopération;
- soit plusieurs entreprises créent une entreprise commune, cas de Thalys et d’Eurostar;
- soit une entreprise se lance chez le voisin en solo.
Le troisième cas est représenté depuis peu par Trenitalia, qui exploite ses Frecciarossa en solo et à ses risques entre Milan, Lyon et Paris.
La coopération Elipsos
La SNCF a toujours préféré opter pour les deux premiers cas. Depuis le premier avril 2001, l’alliance Elipsos, société privée de droit espagnol avec siège social à Madrid, gère la commercialisation des trains internationaux.
À l’origine, cette entité gérait des trains de nuit Talgo entre Barcelone, Madrid et Paris. Un autre train de nuit fut introduit par la suite entre Barcelone, Milan et Zurich. Depuis 2010, Elipsos prenait aussi en charge la gestion du trafic international circulant sur la ligne nouvelle Perpignan-Figueras. Mais il fallu attendre 2 ans pour voir passer les premiers TGV.
Les trains de nuit ayant été déclarés non-rentables, Elipsos se retrouva dès décembre 2012 avec le seul trafic TGV entre la France, Barcelone et Madrid, sous la dénomination commerciale « Renfe-SNCF en Coopération ».
Libéralisation
Entretemps, le trafic grande ligne était libéralisé à des dégrés variables d’un pays à l’autre. Contrairement à la France, l’Espagne s’engagea dans une politique de libéralisation encadrée de son trafic grande ligne, afin de soulager l’énorme dette de ses 3.000 kilomètres de lignes nouvelles. Trois lignes furent libéralisées, chacune avec trois lots de trafic.
C’est ici que poussèrent les germes du divorce SNCF/Renfe, quand la SNCF se porta candidate pour opérer sur les 3 lignes espagnoles en solo, avec le concept Ouigo. La SNCF, par le biais de Rielsfera, avait obtenu le plus petit des trois lots, lui donnant le droit d’effectuer jusqu’à six allers-retours par jour sur les trois lignes ouvertes à la concurrence. Les premiers TGV Ouigo-Espana se lancèrent effectivement le 10 mai 2021 entre Madrid et Barcelone. Ils ont transportés à ce jour plus de 2 millions de voyageurs.
Dans ce contexte, les relations entre la SNCF et la Renfe devinrent plus que tendues. Finalement, la SNCF faisait savoir la semaine dernière à son homologue espagnol qu’elle allait stopper net sa collaboration sur les liaisons communes France-Espagne, à compter de décembre 2022, faute de rentabilité.
On retrouve donc ici le même scénario qui prévalu lors de la précédente rupture commerciale entre SNCF et Trenitalia sur la relation Paris-Italie, quand les deux opérateurs étatiques avaient également mis fin à leur société conjointe Artesia en 2011. La cause était la prise de participation de la SNCF chez le futur concurrent NTV-Italo.
Quel avenir pour cette formule ?
La formule qui consiste à tout maîtriser en exploitant ses trains chez le voisin en solo, avec son propre personnel et matériel roulant, serait-elle finalement la seule viable ? On pourrait le penser.
La SNCF est déjà « maître des opérations » au sein de Thalys et d’Eurostar, même si la SNCB fait partie des actionnaires. Deux sociétés appelées à fusionner et dont la SNCF tiendra fortement les rênes. La SNCF conserve encore – mais pour combien de temps -, une coopération appelée « Alleo », qui gère le trafic entre Paris et la moitié sud de l’Allemagne (Francfort, Stuttgart, Munich).
On peut déjà parier sur le temps que cela durera encore…