Espagne : Hitachi Rail va entretenir la flotte de ILSA/Trenitalia
Hitachi Rail, qui a repris les activités grande vitesse de Bombardier, a obtenu un contrat géant pour la maintenance des Frecciarossa queTrenitalia va exploiter en Espagne.
Il est probablement nécessaire d’expliquer le contexte. Acte 1 : l’Espagne a décidé de libéraliser de manière très encadrée son réseau à grande vitesse, étant persuadée que l’opérateur national Renfe n’arrivera jamais seul à mobiliser davantage de trains pour rentabiliser le gigantesque réseau à grande vitesse espagnol dans lequel plus de 51 milliards d’euros ont déjà été investis. Et dont certaines lignes sont sous-utilisées.
Le réseau à grande vitesse espagnol est le deuxième au monde en termes de kilomètres de ligne, après la Chine. Malgré ses 3 200 kilomètres de lignes à grande vitesse, un rapport de 2018 de la CNMC (la Commission nationale des marchés et de la concurrence) a indiqué que 76% de la capacité du réseau est pratiquement inutilisée. Ce n’est pas uniforme partout, mais c’est sans équivoque : 41% de la capacité est occupée sur Madrid-Barcelone, alors que sur Albacete-Alicante, elle n’est que de 9%. L’opérateur public Renfe transporte environ 33,6 millions de passagers sur les services commerciaux grande ligne, dont 21,3 millions sur les AVE, ce qui ne représente qu’à peine 11% de ses trafics. Le potentiel est donc important. Pour booster le trafic grande ligne et – au passage -, faire du train un des instruments pour atteindre les objectifs climatiques, d’autres opérateurs étaient nécessaires.
Le gestionnaire du réseau n’a pas ouvert tout le réseau à grande vitesse espagnol, mais seulement trois lignes : Madrid-Barcelone, Madrid-Valence/Alicante et Madrid-Toledo/Séville/Malaga. Les droits de trafic étaient offerts sur toutes ces lignes par le biais de trois types de forfaits : type A pour une cadence élevée (jusqu’à trois trains par heure), type B pour un train par heure et type C pour les services de quatre à cinq trains par jour.
Acte 2 : un consortium nommé ILSA, dont est actionnaire Trenitalia, a remporté le forfait B. À ce jour il n’a pas encore commencé ses opérations, à l’inverse de la SNCF (forfait C avec Ouigo España). ILSA/Trenitalia va exploiter ses trains en Espagne de la même manière qu’en Italie, c’est à dire à l’aide des rames acquises chez Bombardier, et nommées « Frecciarossa » (Flèche rouge).
Acte 3 : sans rapport avec ce qui précède, Alstom a comme on le sait, racheté Bombardier Europe sous réserve de quelques cessions. Parmi celles-ci : la division grande vitesse de Bombardier qui devait partir vers un autre industriel qu’Alstom. C’est Hitachi Rail qui a donc repris cette division et qui devient, avec l’absorption d’Ansaldo Breda en 2015, le constructeur attitré des Frecciarossa italiens, ainsi que ceux d’ILSA.
Acte 4 : Trenitalia voulant amener ces mêmes rames en Espagne, il fallait un pôle d’entetien attitré jusqu’ici inexistant. C’est donc Hitachi Rail, le constructeur, qui remporte un contrat de maintenance de 737 millions d’euros étendu jusqu’en 2052. Un atelier doit être construit à Madrid et prévoit à terme de faire travailler 75 personnes. La nouvelle flotte de ILSA /Trenitalia est composée à 85 % de matériaux recyclables, dont 95 % sont des matériaux renouvelables. Cette conception écologique reflète l’engagement d’ILSA de construire la flotte la plus durable en matière de grande vitesse ferroviaire.
Cette politique d’entretien permet à Hitachi Rail d’étendre sa présence en Europe, et tout particulièrement en Espagne, terres du constructeur Talgo qui est le fournisseur principal de la Renfe. Et la SNCF utilise de son côté des rames TGV Alstom. Ce sont trois constructeurs concurrents qui seront présents sur les voies espagnoles, ce qui est particulièrement inédit.
Acte 5 : Les opérations d’ILSA devraient débuter au cours de la seconde partie de 2022, reliant Madrid, Barcelone, Valence, Alicante, Séville, Malaga et Cordoue. À terme, 23 rames Frecciarossa Hitachi Rail devraient être mises en service en Espagne.