Bruxelles veut devenir la plaque tournante des trains de nuit
La Belgique va-t-elle devenir la nouvelle plaque tournante des trains de nuit? C’est ce que l’on pourrait croire à la lumière des projets annoncés en avril et mai de cette année. Carrefour entre la Grande-Bretagne et l’Europe, Bruxelles veut être le hub vers de nombreuses destinations européennes accessibles en une nuit.
La Belgique avait jadis de nombreux trains de nuit gérés par la SNCB sur le parcours belge. Remis aux frontières, ces trains poursuivaient leur voyage avec les opérateurs publics voisins. Dans les années 90, l’environnement législatif ferroviaire fut considérablement modifié avec le passage du trafic international à la contractualisation plutôt que la coopération entre entreprises de service public. Cela a débouché sur une remise à plat des coûts du trafic des trains de nuit dans toute l’Europe.
Trafic saisonnier
Les trains de nuit belges furent définitivement mis à l’arrêt en 2003, y compris le trafic saisonnier vers la Méditerranée et les Alpes, à l’exception d’un Paris-Bruxelles-Berlin qui survécut jusqu’en 2010. Par ailleurs, l’inauguration du tunnel sous la Manche ne justifiait plus d’amener les trains de nuit jusqu’à Ostende, Bruxelles pouvant devenir la plaque tournante avec des correspondances avec l’Eurostar.
À l’exception de la Scandinavie, l’Europe de l’Est, de l’Autriche et de l’Italie, le continent perdit petit à petit ses trains de nuit au cours des années 2010-2015. En décembre 2016, la Deutsche Bahn arrêtait définitivement ses propres trains de nuit, lesquels furent partiellement repris par la branche « longue distance » des chemins de fer autrichiens ÖBB, sous la marque Nightjet. En France, depuis plusieurs années, les trains de nuit cessèrent de circuler pour ne conserver que deux relations de nuit. Un train Paris-Nice a été relancé depuis la semaine dernière.
Exploitation trains de nuit
Cet abandon des trains de nuit a motivé plusieurs acteurs alternatifs d’étudier comment les trains de nuit pourraient être exploités. Ils ont dû se confronter à la réalité des chemins de fer, avec la recherche de sillons horaires, les entreprises qui louent du matériel roulant, et surtout les entreprises qui ont des licences pour tracter ces trains.
Certains entrepreneurs allemands ou suisses, comme RDC, Heros Rail, BTE et d’autres, ont réussi à racheter des wagons-lits et des voitures-couchettes dans le but de louer ce matériel roulant à des tiers, après rénovation dans des ateliers privés. Le tchèque Regiojet et le suédois Snälltåget (groupe Transdev), ont démontré qu’il est possible d’exploiter des trains de nuit sans subventions moyennant cependant un taux d’occupation est élevé, ce qui exige un marketing très fin et une offre qualité/prix irréprochable.
Ces exemples ont donné des idées à de nouveaux acteurs de lancer des trains de nuit au départ de Bruxelles. Le mois d’avril 2021 a été riche en annonces de nouveaux services. La société néerlandaise European Sleeper a décidé de créer un train de nuit entre Ostende, Bruxelles, Amsterdam vers Berlin et Prague.
Matériel roulant
Pour le matériel roulant et l’exploitation, ils ont choisi l’opérateur tchèque Regiojet. Deux autres entrepreneurs belges ont décidé de lancer leur propre train de nuit appelé Moonlight Express entre Bruxelles et Berlin. Ils ont choisi le loueur RDC Deutschland pour le matériel roulant. Récemment, un troisième acteur est apparu avec la société Ostende-Vienne-Orient-Experience (OVOE), pour un train de nuit saisonnier entre Bruxelles et Innsbruck en hiver, vers la Suisse et Milan en été.
Depuis janvier 2020, les autrichiens d’ÖBB ont remis en selle le mythique train Bruxelles-Vienne sous la marque Nightjet, mais ce service fut interrompu par deux fois à cause des restrictions de voyage dues à la pandémie. Ce train est relancé cette semaine à raison de trois rotations hebdomadaires. ÖBB Nightjet compte aussi lancer son propre train de nuit entre Bruxelles et Berlin pour 2023.
Un autre projet – jusqu’ici non concrétisé -, consiste en la mise en service d’un train de nuit entre Malmö (ville en face de Copenhague) et Bruxelles, via la capitale danoise et Cologne. Dans ce cas-ci, c’est l’Administration nationale suédoise des Transports Trafikverket qui est à la base de ce projet, sur demande du gouvernement suédois. L’appel d’offre n’a pas encore déterminé qui serait l’opérateur de ce train, encore une fois destiné à Bruxelles.
Les péages ferroviaires
Il y a enfin la conviction des britanniques qu’aucun train de nuit du Continent ne pourrait atteindre les gares de Londres. Les critères de sécurité du tunnel sous la Manche ainsi que les péages ferroviaires élevés en Grande-Bretagne ne militent pas pour des projets de trains de nuit à prix raisonnable jusqu’à Londres.
Cette situation renforce encore davantage le caractère de hub ferroviaire de Bruxelles, qui est d’ailleurs encouragé par les britanniques eux-mêmes. Bruxelles a donc une belle carte à jouer au sein de l’Europe ferroviaire.