RailTech Europe : Communications cybersécurisées pour les trains sans conducteur
Les trains et les métros sans conducteur se généralisent dans le monde du rail, provoquant un changement de paradigme dans les technologies de communication. Roch Muraine, directeur des ventes mondiales pour les transports chez Alcatel-Lucent Enterprise (ALE) et président du comité des technologies de l’information et des télécommunications de l’UITP, une organisation mondiale de transport public, évoque l’importance de sécuriser ces connexions. Garantir la cybersécurité est devenu primordial en raison des inquiétudes suscitées par d’éventuelles prises de contrôle ou perturbations.
Actuellement, les systèmes ferroviaires et métropolitains sont en train de passer à des opérations sans conducteur. Ce changement souligne l’importance de la communication, en particulier en cas d’urgence. La communication ne doit pas seulement atteindre le conducteur, mais aussi les centres de contrôle, qui peuvent être situés à distance et potentiellement très éloignés. « La supervision de l’environnement du train devient de plus en plus difficile, et la cybersécurité est donc une préoccupation croissante », explique M. Muraine.
La communication d’urgence entre les trains et le sol, ainsi qu’entre les trains eux-mêmes, a toujours été cruciale dans les systèmes ferroviaires. Cependant, on s’attache aujourd’hui davantage à garantir les communications critiques, en particulier dans les scénarios impliquant une perte de réseau ou des cybermenaces. Muraine souligne l’importance d’une communication ininterrompue à l’intérieur des trains, même en cas de perturbation du réseau, pour permettre aux trains de fonctionner normalement.
L’accent mis sur la communication critique incite à mettre en œuvre des mesures robustes d’authentification, de connexions sécurisées et de cryptage pour relever ces défis. Muraine souligne la diversité des méthodes de communication et des protocoles utilisés, qui garantissent une connectivité résiliente aujourd’hui et à l’avenir.
Sécuriser les communications pour les nouveaux projets
« Les trains sans conducteur sont comparables à des entreprises en mouvement, avec des réseaux complexes et des systèmes interconnectés. Les mesures de cybersécurité doivent correspondre à celles d’environnements hautement sécurisés comme les sous-marins ou les entreprises critiques », explique M. Muraine. « Il ne s’agit pas d’une simple théorie, mais d’une réponse aux besoins des opérateurs de transport public et des fournisseurs de trains. Nos connaissances sont issues de déploiements réels, notamment de notre implication dans le projet du Grand Paris en cours ».
Le projet du Grand Paris Express (GPE) est l’un des plus grands projets de génie civil en Europe, avec 200 kilomètres de réseau. Il comprend la création de quatre nouvelles lignes de métro (15, 16, 17 et 18) autour de Paris, l’extension de la ligne 14 et la construction de 68 gares. « Chaque projet GPE implique des sous-traitants différents, mais nos solutions contribuent à la robustesse et à la sécurité de l’ensemble du système.
Les projets Greenfield impliquent le déploiement de technologies à long terme, souvent sur une décennie ou plus. « Dans un projet greenfield, on regarde vers l’avenir, alors que dans un projet de rénovation, on a un pied dans le passé et un pied dans l’avenir, et on essaie de prendre les deux en compte. Les nouveaux projets permettent donc de trouver des solutions tournées vers l’avenir, notamment en ce qui concerne l’amélioration des mesures de sécurité. « L’accent que nous mettons sur l’enregistrement et l’analyse des données, ainsi que sur l’intégration de divers systèmes, reflète cette approche avant-gardiste », affirme M. Muraine.
Un changement de paradigme
« Dans le paysage évolutif de la sécurité, en particulier de la cybersécurité, le projet du Grand Paris Express illustre un changement de paradigme. Depuis les systèmes d’enregistrement embarqués dans les trains et les centres de communication jusqu’à l’intégration de technologies avancées telles que les solutions GSM et mobiles, chaque aspect est méticuleusement capturé et surveillé », explique M. Muraine. L’époque des systèmes isolés est révolue ; aujourd’hui, un réseau complexe de sous-systèmes et d’applications assure un flux d’informations continu, les données étant enregistrées de manière complexe à des fins d’analyse.
Ce qui fait la différence, ce n’est pas seulement l’automatisation ou les avancées technologiques, mais la reconnaissance du fait que l’implication humaine reste primordiale. Au milieu de la sophistication de l’intelligence artificielle et de l’apprentissage automatique, ce sont les personnes réelles, activement engagées à bord et dans les centres de contrôle, qui restent le pivot de cet écosystème complexe.
Enregistrement et protection des données
Outre la sécurisation des communications, l’enregistrement des informations contribue également à renforcer la sécurité à bord, selon Muraine : « Nous enregistrons et analysons les différentes communications et événements, à l’instar des enregistreurs de données de vol. Cette approche globale permet de reconstituer les incidents avec précision et de contribuer à l’amélioration des mesures de sécurité et de sûreté. » Avec ces nouveaux flux d’informations, les enregistrements de données nécessitent également une protection accrue.
Nous pouvons désormais adopter une approche d’enregistrement complète semblable à celle des services d’urgence tels que le 911, en capturant les conversations avant, pendant et après l’événement à des fins diverses », explique M. Muraine. Cette surveillance discrète s’étend aux images de télévision en circuit fermé synchronisées, offrant une perspective multidimensionnelle sur les incidents. En intégrant diverses méthodes d’enregistrement, dont la géolocalisation et la vidéo, le projet garantit une compréhension nuancée des événements, améliorant ainsi les capacités de réaction dans un contexte de sécurité de plus en plus critique.
À ce titre, « la protection des données est aussi vitale que les autres aspects du système. Nous utilisons des systèmes redondants, la virtualisation et des sauvegardes rigoureuses pour sauvegarder les données critiques, en reconnaissant les implications potentiellement mortelles de toute violation », ajoute M. Muraine. Le contrôle des sauvegardes souligne également l’engagement inébranlable du projet en faveur de la sécurité et du bien-être de ses passagers, en reconnaissant les implications potentielles dans la vie réelle de toute atteinte à la sécurité.
Regarder vers l’avenir
« Jusqu’à récemment, notre implication dans la communication à bord était minime, étant donné la simplicité des systèmes d’interphone. Cependant, nos collaborations avec les leaders de l’industrie ferroviaire et les intégrateurs de systèmes évoluent au fur et à mesure que les besoins en communication évoluent », déclare M. Muraine. L’importance accordée à la communication en tant que pierre angulaire des opérations ferroviaires, associée à la menace imminente des cyberattaques, nécessite un changement stratégique. « Auparavant, l’isolement était considéré comme une mesure de sécurité, mais la demande de surveillance à distance et de connectivité rend cette approche obsolète », souligne-t-il.
Il est primordial de trouver un équilibre entre connectivité et cybersécurité, afin d’atténuer les risques tout en exploitant les avantages des systèmes interconnectés. « À mesure que les besoins de communication augmentent, la collaboration entre les parties prenantes sera cruciale. La cybersécurité restera une préoccupation centrale, nécessitant une innovation et une coopération permanentes pour garder une longueur d’avance sur les menaces émergentes », poursuit M. Muraine.
Il est essentiel d’anticiper les menaces potentielles et d’y répondre de manière préventive, car l’industrie se dirige vers un avenir où une infrastructure de communication robuste est essentielle, même au-delà de projets aussi ambitieux que Le Grand Paris. « Les entrepreneurs généraux, les opérateurs et les autorités de transport public devraient prêter attention à ce sujet, car il est essentiel de comprendre et d’investir dans ces technologies pour assurer la pérennité des systèmes de transport », conclut M. Roch.
Roch Muraine s’exprimera plus en détail sur ce sujet lors de RailTech Europe, qui aura lieu les 6 et 7 mars au Jaarbeurs d’Utrecht. Sa présentation intitulée « Cybersecure communication for driverless rail » aura lieu de 14h15 à 14h30 le mercredi 6 mars 2024 au Jaarbeurs d’Utrecht. Pour en savoir plus sur le programme de la conférence, cliquez ici et inscrivez-vous ici.
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