La concurrence résoudra-t-elle les problèmes de ponctualité dans la région Sud de la France ?

Le transport ferroviaire dans la région Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA) est en pleine mutation. Pour la première fois, d’autres opérateurs peuvent concurrencer la SNCF, qui détient historiquement le monopole des services TER régionaux. Alors que SNCF Voyageurs Sud Azur a lancé son premier service concurrentiel en décembre 2024, après avoir remporté le contrat de service public, Transdev devrait prendre en charge la ligne Marseille-Nice à partir de juin 2025. La concurrence permettra-t-elle d’améliorer la ponctualité sur les lignes, qui est un « combat permanent » ?
Le ministre français des Transports Philippe Tabarot a présenté la semaine dernière à Nice la nouvelle offre de transport pour la Côte d’Azur, le vendredi 14 février, deux mois après l’ouverture à la concurrence. Pour le voyageur inattentif, pas grand-chose n’aura changé cependant, puisque le service ferroviaire est toujours assuré par la SNCF.
A l’œil, en effet, pas grand-chose n’a changé. Avant que la Région Sud ne décide d’ouvrir le réseau TER à la concurrence, tous les services ferroviaires et de bus étaient regroupés sous une même marque appelée ZOU ! depuis 2018, et le service ferroviaire était également assuré par la SNCF.
Mais depuis le 15 décembre, des trains exploités par SNCF Voyageurs Sud Azur circulent sur la Côte d’Azur. La SNCF a créé cette filiale dans le cadre d’un contrat avec la région Sud de la France, et fournit des services ferroviaires le long de la Côte d’Azur et dans son arrière-pays. Le contrat est d’une durée de 10 ans, ce qui est assez classique pour un contrat d’OSP ferroviaire.

La principale différence est qu’il n’était plus acquis que la SNCF exploiterait la ligne, il aurait pu s’agir d’un autre opérateur. En 2021, on apprend que pour la première fois en France, la SNCF va perdre l’exploitation d’une ligne TER, dans la même région. A partir de juin 2025, Transdev remplacera la SNCF sur la ligne Marseille-Nice dans la même région, toujours sous le nom de ZOU ! La région PACA a été la première région de France à ouvrir le réseau TER à la concurrence, en lançant en mars 2020 deux appels d’offres pour des concessions de 10 ans pour l’exploitation de services ferroviaires régionaux.
La bataille de la ponctualité
Dans les nouveaux contrats, la région Sud fixe des objectifs de régularité plus élevés (97 à 98 %) qu’auparavant. Et ce n’est pas sans raison : la ponctualité des trains a été une « bataille permanente », a déclaré Jean-Pierre Serrus, vice-président de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur chargé des transports et de la mobilité durable, en 2024. « Dans ce combat, nous sommes aux côtés des voyageurs et nous avons fait pression sur la SNCF pour qu’elle apporte des corrections immédiates ».
Le taux de fiabilité des TER dans la région Sud a atteint en 2023 un niveau très éloigné de l’objectif contractuel fixé par la Région. Cela s’est traduit par une pénalité de 2,5 millions d’euros à la SNCF, comme le prévoyaient les dispositions contractuelles.
Dans la nouvelle convention TER concurrentielle, le régime de pénalités est encore renforcé avec un montant maximum porté à 4 millions d’euros. Il s’agit d’un changement par rapport aux années précédentes, où la ponctualité était en constante amélioration depuis 2015. Après la chute de 2023, elle s’est à nouveau améliorée l’an dernier, mais la Région a repris la main et mis en place un système de bonus-malus 4 fois plus sévère qu’auparavant dans les nouveaux contrats d’OSP.
Jusqu’ici, tout va bien pour la SNCF. Depuis la mise en service de SNCF Sud Azur en décembre dernier, 90,9% des trains sont à l’heure, contre 85,6% en 2024. Quant aux annulations, 3,9% des trains ont été supprimés, contre 5,5% en 2024. Ce n’est pas un mauvais résultat, surtout si l’on tient compte du fait qu’il y a eu plus de trains en service : 4 823 trains ont circulé sur les lignes Grasse-Vintimille et Les Arcs-Menton entre le 15 décembre 2024 et le 19 janvier 2025, contre 3 430 sur la même période l’année dernière.
Un service renforcé
Avec le « nouveau » service SNCF Sud Azur, le nombre de trains a augmenté. Sur la section entre Cannes et Menton, axe central de ce secteur ferroviaire qui est le plus fréquenté de France après la région parisienne, il y a un train toutes les 15 minutes dans chaque sens en semaine et le week-end. Un TER toutes les 15 minutes entre Cannes et Menton représente 20 000 places supplémentaires par jour.
Le réseau ferroviaire exploité aujourd’hui par la SNCF Sud Azur est constitué des lignes Les Arcs – Draguignan – Nice – Vintimille (à la frontière italienne), Cannes – Grasse, et Nice – Breil-sur-Roya – Tende.

Augmentation du budget et modernisation des trains
L’objectif d’augmenter la ponctualité ne se fait pas sans les investissements nécessaires. Pour l’année 2025, le budget transport augmente de 43%, soit 1,5 milliard d’euros au total. Sur la ligne Côte d’Azur, le matériel roulant est modernisé avec des trains rénovés pour un investissement de 164 millions d’euros.
Entre Marseille, Toulon et Nice, sur les lignes exploitées par Transdev, de nouveaux trains d’une valeur de 250 millions d’euros circuleront. Pour cela, Transdev a choisi Alstom pour fournir 16 trains à deux étages Omneo de 8 voitures à grande capacité.
Afin de soutenir davantage les opérations de trains régionaux, un nouveau centre de maintenance ouvre ses portes à Nice Saint-Roch. Un investissement de 62 millions d’euros financé par la Région. Alors que jusqu’à présent la maintenance du matériel roulant était réalisée sur le site de la Blancarde à Marseille, la maintenance des trains sera désormais entièrement réalisée à Nice. Les trains seront donc maintenus au plus près de la ligne, ce qui permet une organisation optimisée des circulations. Pour ce faire, deux ans de travaux ont été nécessaires pour réhabiliter entièrement le centre technique régional de Nice Saint-Roch qui peut désormais accueillir l’ensemble du parc de matériel roulant dédié au secteur Côte d’Azur.

Un changement, mais pas une privatisation
Malgré les changements, le modèle mis en place n’est pas une privatisation totale mais une délégation de service public. Depuis 2016, les régions ont l’entière responsabilité de la tarification des TER, la région Sud conserve donc le contrôle de la tarification des billets de train. Pour les services TER, la SNCF indique que le prix des abonnements n’augmentera pas jusqu’en 2028 et qu’aucune fermeture de gare ou de ligne n’est à prévoir.
» Le 15 décembre 2024 marque un tournant historique pour nos trains régionaux « , a déclaré Renaud Muselier, président de la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur lors de la présentation officielle la semaine dernière. « Notre objectif est clair : offrir un service de transport de meilleure qualité, plus ponctuel et plus adapté aux besoins des usagers.
Les développements dans le sud de la France marquent un tournant pour le rail régional en France. Mais la différence la plus notable interviendra cet été, lorsque Transdev reprendra les services sur Marseille – Nice et que, pour la première fois, le logo de la SNCF n’apparaîtra plus sur les trains TER régionaux.
Lire la suite :
- La SNCF remporte le nouvel appel d’offres ferroviaire français
- L’Espagne en France : Renfe lancera la ligne Barcelone-Toulouse en 2025
- Le nouveau TVG Ms de la SNCF n’arrivera pas avant l’hiver. Comment la France va-t-elle faire face à une demande ferroviaire record cet été ?