Renfe obtient un prêt de 280 millions d’euros pour la modernisation des trains de banlieue dans un contexte de libéralisation imminente
La compagnie espagnole Renfe a obtenu un prêt de 280 millions d’euros de la part du financier public du matériel roulant EUROFIMA pour refinancer 152 EMU de classe 447 qui ont été mis à niveau depuis 2020 et pour financer 30 unités supplémentaires de la même classe. Mais qu’est-ce que ce modèle de financement nous apprend sur la manière dont l’opérateur national tente de repousser la concurrence dans le cadre de la libéralisation du secteur ferroviaire prônée par l’UE ?
Les 280 millions d’euros serviront à refinancer les 182 UEM, des unités de trois voitures construites par CAF et Siemens Mobility, qui ont fait l’objet d’importantes améliorations pour répondre à la demande croissante de transport ferroviaire dans les zones urbaines et suburbaines de l’Espagne. Ils serviront essentiellement d’épine dorsale aux services de banlieue de Renfe Cercanías, ce qui permettra à l’opérateur public de rester compétitif à mesure que les lignes s’ouvriront à la concurrence.
En effet, dans le cadre des efforts déployés par l’Union européenne pour rendre les services ferroviaires plus compétitifs, le réseau espagnol de trains de banlieue devrait être libéralisé pour la première fois en 2026. Le gouvernement, soutenu par l’autorité espagnole de la concurrence, met en place un plan progressif pour permettre aux opérateurs privés de faire des offres pour les lignes actuellement gérées par Renfe.
Les liaisons OSP ouvertes à la libéralisation
Ce changement commencera modestement, avec seulement 3 % des liaisons soumises à l’obligation de service public (OSP) – mandatées et financées par l’État pour assurer les liaisons essentielles de transport public – qui seront mises au concours dans un premier temps, afin d’évaluer l’intérêt du marché. Des entreprises comme Arriva, Alsa et la SNCF devraient entrer en lice, ce qui signifie que Renfe devra améliorer ses services pour conserver le contrôle des lignes de banlieue.
La modernisation du matériel roulant est un élément clé de la stratégie de Renfe pour maintenir sa position dominante alors que la concurrence s’intensifie. Les améliorations, financées par un prêt d’EUROFIMA d’une durée de dix ans, comprennent des dispositifs d’accessibilité améliorés tels que des planchers surbaissés, des places pour les fauteuils roulants, des toilettes universellement accessibles, des intérieurs modernisés et un système d’information des passagers actualisé.
Pourquoi la Renfe a-t-elle contracté un prêt ?
EUROFIMA, une organisation supranationale de type coopératif créée en 1956 par les principales entreprises ferroviaires européennes, dont la Deutsche Bahn, la SNCF, Trenitalia et Renfe, accorde des prêts à faible coût pour l’acquisition et la modernisation du matériel roulant, en mettant l’accent sur les contrats d’OSP. Elle peut le faire en s’appuyant sur sa solide cote de crédit AA, due en partie au fait qu’elle ne finance que le secteur ferroviaire, largement considéré comme un investissement à faible risque. À ce jour, elle a soutenu plus de 92 milliards d’euros de projets de ce type.
🔧 🔩 Para reforzar la línea C1 de @CercaniasVLC, Renfe ha trasladado dos S-447 y una unidad diésel de Fuente de San Luis a Silla por carretera, al carecer de vías este tramo. À Silla, les trains ont été mis en place et les essais ont été réalisés pour leur mise en service. pic.twitter.com/0wUX8iHMDM
– Renfe (@Renfe) 18 novembre 2024
Mais pourquoi Renfe et ses homologues, qui bénéficient d’un financement public important, ont-ils recours à des prêts de ce type ? Malgré le soutien du gouvernement espagnol, Renfe, ainsi que d’autres opérateurs ferroviaires soutenus par l’État, a souvent recours à des prêts extérieurs – principalement de la Banque européenne d’investissement (BEI) ou d’EUROFIMA – pour financer la modernisation et l’expansion de son parc de véhicules.
Bien que Renfe et ses homologues nationalisés ne soient pas censés réaliser des bénéfices, le fait d’emprunter auprès de ces institutions leur permet d’étaler les coûts des grands investissements dans le temps. Cela permet non seulement de respecter la réglementation de l’UE en matière d’aides d’État, mais aussi d’équilibrer les obligations de service public – comme les lignes régionales et de banlieue – et les services plus viables commercialement, comme les trains à grande vitesse.
Lutter contre la concurrence
Cette question se pose de plus en plus dans le contexte de la libéralisation rapide de l’Union européenne. Les opérateurs ferroviaires privés et leurs représentants critiquent souvent les avantages perçus dont bénéficient les compagnies ferroviaires soutenues par l’État, notamment en termes de financement et de subventions. Le fait de pouvoir contourner les lois européennes sur la concurrence tout en renforçant les flottes de trains de banlieue grâce à de tels prêts pourrait en effet être considéré comme un moyen de maintenir les opérateurs ouverts à l’écart.
Cependant, les entreprises soutenues par l’État comme Renfe commencent vraiment à ressentir la chaleur sur ses lignes les plus compétitives ; avec l’arrivée ces dernières années de Ouigo de la SNCF et d’Iryo soutenu par Trenitalia sur certaines des lignes à grande vitesse les plus rentables d’Espagne, Renfe a vu son revenu par passager chuter de près de 40 pour cent. En effet, l’opérateur ferroviaire public espagnol a perdu la moitié de ses passagers sur l’une de ses lignes les plus représentatives – entre Madrid et Valence – en partie à cause de la vente de billets à prix cassés.
Il peut s’agir de sociétés soutenues par l’État, qui sont également actionnaires d’EUROFIMA, mais l’utilisation de prêts provenant de ces mécanismes pour soutenir les chemins de fer de banlieue en difficulté semble être une bonne décision si Renfe veut renforcer ses services à grande vitesse de plus en plus sous pression. Toutefois, il reste à voir si cela sera suffisant pour faire face aux défis imminents de la libéralisation, alors que la concurrence s’intensifie sur l’ensemble du réseau ferroviaire espagnol.
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