L’amiante dans les trains : le tueur silencieux qui empoisonne la libéralisation des chemins de fer français
Cela peut choquer, mais de nombreux trains européens sont encore remplis d’amiante. Outre les problèmes de santé évidents, la présence de cette substance mortelle dans le vieux matériel roulant en France s’avère être un obstacle important à la libéralisation de l’industrie ferroviaire. C’est ironiquement une bonne nouvelle pour la SNCF, mais potentiellement fatale pour les nouveaux arrivants qui tentent d’emprunter les voies françaises.
Autrefois largement utilisé dans la construction et la fabrication, l’amiante a été interdit en France en 1997 en raison de ses effets nocifs sur la santé. Cependant, l’amiante reste présent dans de nombreux biens anciens, y compris les trains. Heureusement, à l’apogée de l’amiante dans les années 1980, il a été utilisé principalement pour l’isolation des compartiments qui ne sont pas en contact avec le public ou les employés des chemins de fer.
En France, la plupart de ces trains ont été retirés de la circulation. Cependant, bien qu’ils soient soumis à une réglementation et à des contrôles stricts, de nombreux trains TER présentant des traces d’amiante sont encore en service sur les réseaux régionaux. Cette question est devenue un enjeu majeur dans le cadre de la libéralisation du secteur ferroviaire en France, de nouvelles entreprises cherchant à reprendre le matériel roulant existant des autorités régionales.
Pas de revente pour les trains revêtus d’amiante
Comme le rapporte Olivier Chicheportiche pour BFMTV, la réglementation européenne, et par conséquent la législation française, interdisent le transfert ou la revente de trains contenant de l’amiante. Comme il est impossible de transférer ces trains à un nouvel opérateur, cela signifie que les organismes régionaux ne peuvent pas louer de grandes parties de leur matériel roulant à des opérateurs privés qui espèrent concurrencer la SNCF, l’opérateur soutenu par l’Etat.
Cela signifie que les régions qui possèdent leur propre matériel roulant seront contraintes, en vertu de la législation européenne, de remplacer une grande partie de leur flotte si elles veulent ouvrir leurs voies à la concurrence. Comme l’indique M. Chicheportiche, dans la région française des Hauts-de-France, pas moins de 40 trains contiennent de l’amiante.
Et si le danger est aujourd’hui latent à l’intérieur des véhicules, le coût de leur remplacement dans le cadre de l’ouverture des voies à la libéralisation, fortement soutenue par l’Union européenne, pourrait s’élever à plus d’un milliard d’euros. C’est bien plus que ce que la région peut se permettre, selon les élus locaux.
Demande d’exemption
« Nous pouvons comprendre cette directive, mais les biens de consommation à très haut volume et à très longue durée de vie, comme les trains (40/45 ans), n’ont pas été pris en compte », a déclaré Christophe Coulon, vice-président des Hauts-de-France, à BFM Business. « Comme la moitié des régions françaises semblent concernées par ces séries de matériaux qui contiennent de l’amiante, on parle d’une restriction très importante du volume de service public assuré par les TER si une solution n’est pas trouvée », a-t-il ajouté.
Les Hauts-de-France auraient demandé à la Commission européenne une dérogation d’un à deux ans, M. Coulon affirmant que la France est « la seule en Europe » à ne pas avoir demandé une telle dérogation.
Comment résoudre le problème de l’amiante ?
Il existe apparemment d’autres options pour résoudre le problème, alors que les régions commencent à lancer des appels d’offres auprès d’une clientèle plus large pour les services ferroviaires locaux, mais aucune d’entre elles n’est facile à mettre en œuvre et, plus important encore, il est peu probable qu’elles profitent aux opérateurs privés. Par exemple, la SNCF pourrait être appelée à désamianter les trains dans le cadre de ses contrats de maintenance, mais cela coûtera très cher et prendra beaucoup de temps.
Une autre option serait que les régions spécifient dans leurs appels d’offres que les nouveaux entrants doivent acheter et exploiter de nouveaux trains, comme cela a été le cas dans certains des contrats prospectifs, par exemple le long de la ligne Marseille-Toulouse-Nice. Mais dans le cas de régions comme les Hauts-de-France, où de nombreux trains contiennent de l’amiante, le nouvel opérateur devra investir massivement dans du nouveau matériel roulant et, en raison des délais d’attente, pourrait perdre ses chances de remporter l’appel d’offres. En somme, les nouveaux arrivants seront confrontés à des obstacles bien plus importants que la SNCF.
Un problème pour Le Train
Le problème se pose également au niveau national, car les entreprises privées qui entrent sur le marché ferroviaire français cherchent à atténuer les coûts élevés en utilisant du matériel roulant rénové, à l’instar de Le Train. L’opérateur ouvert français, créé en 2020, a pour objectif de devenir la première entreprise privée de transport à grande vitesse en France. Il cherche à reprendre des services dans le Grand Ouest et souhaite acheter des TGV d’occasion à SNCF Voyageurs.
Cependant, certains de ces trains contiennent de l’amiante, selon BFMTV, ce qui signifie que la vente ne peut avoir lieu. Cette situation a contraint Le Train à revoir son approche en profondeur. Au lieu d’opter pour la location, il a dû commander de nouveaux trains, en l’occurrence à la société espagnole Talgo pour 300 millions d’euros. Cela a entraîné des retards importants dans la mise en place de ses services.
Il ne s’agit pas d’une mauvaise nouvelle pour la SNCF, qui espère sans doute que ces réglementations continueront à ralentir ses nouveaux concurrents sur les voies françaises. Toutefois, si l’Union européenne et le gouvernement français souhaitent réellement renforcer la concurrence dans le secteur ferroviaire, ils devront trouver une solution, et ce rapidement.
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