La nouvelle entreprise ferroviaire française accélère la libéralisation régionale
Une nouvelle compagnie ferroviaire a vu le jour en France. Transdev Rail Sud Inter-Métropoles (TRSI), filiale de l’entreprise privée de transport Transdev, a obtenu son certificat de sécurité pour exploiter la ligne Marseille-Toulon-Nice. Il s’agit de la première ligne ferroviaire régionale en France à obtenir formellement le feu vert du secteur privé. Sans surprise, son arrivée imminente sur les rails alimente le débat houleux sur la libéralisation des chemins de fer en Europe.
En début de semaine, TRSI a reçu son certificat unique de sécurité (CSU) de l’autorité française de sécurité ferroviaire. Délivré pour une période de cinq ans, soit jusqu’en août 2029, il reconnaît que TRSI est capable de faire circuler et de gérer des trains en toute sécurité sur la ligne.
La liaison entre Marseille, Toulon et Nice est la première ligne ferroviaire régionale en France à être ouverte à la concurrence, Transdev ayant remporté l’appel d’offres en 2021. La mise en service est prévue pour l’été 2025. A la demande des responsables de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, TRSI doublera l’offre actuelle, avec quinze allers-retours par jour et une plus grande amplitude horaire.
« Le certificat de sécurité unique que nous venons d’obtenir confère à notre filiale TRSI le statut d’entreprise ferroviaire à part entière « , a déclaré Edouard Hénaut, directeur général de Transdev France. « C’est le fruit d’un travail collaboratif et décentralisé propre à Transdev entre nos responsables opérationnels et notre centre national de sécurité. De Nice à Marseille, nous veillerons à ce que les trains circulent régulièrement, avec une attention permanente de nos équipes pour les voyageurs et la sécurité. »
Les prochaines étapes clés avant la mise en service de la ligne Marseille-Toulon-Nice seront la formation des conducteurs, la construction d’un nouveau site de maintenance et de remisage, la livraison de la première rame fin 2024, et enfin le lancement commercial prévu pour l’été.
La libéralisation du rail régional devient une réalité
Le groupe Transdev, basé en France, est un opérateur ferroviaire majeur depuis plus de vingt-cinq ans, transportant plus de 320 millions de passagers par train chaque année en Allemagne, en France, en Nouvelle-Zélande, aux Pays-Bas et en Suède. Il est également l’une des premières entreprises privées à avoir été autorisées à opérer sur les lignes régionales en France, annonçant une évolution très contestée du secteur ferroviaire français vers la libéralisation.
La SNCF, le géant du rail soutenu par l’État, est obligée d’entrer en concurrence avec des opérateurs privés pour les contrats régionaux depuis la fin de l’année 2023. Tout récemment, elle a perdu la concession de la ligne ferroviaire entre Nancy et Contrexéville (Vosges) dans la région Grand Est. Là encore, c’est un groupement mené par Transdev qui a décroché le contrat de 721 millions d’euros. En fait, depuis que Transdev a remporté l’appel d’offres Marseille-Nice en 2021, la SNCF et les syndicats de transport français ont dénoncé la décision d’ouvrir les voies à la privatisation. Et ce n’est pas seulement parce qu’ils estiment que cela portera atteinte aux droits des travailleurs et aux services à la clientèle.
La Fédération CGT des cheminots a accusé les autorités françaises d’utiliser l’argent des contribuables pour « appâter » les entreprises privées et augmenter les marges financières. En fait, elle a déclaré que sur les 270 millions d’euros estimés investis dans la ligne Marseille-Nice, seuls quatre millions seront à la charge de Transdev. Le reste proviendra du budget régional, c’est-à-dire de la poche du contribuable. « Le service public est sacrifié sur l’autel de la rentabilité, avec de l’argent public », a déclaré le syndicat à l’annonce de l’accord.
Une impasse plus large
Cet accord s’inscrit dans le cadre d’une impasse plus large au sein de l’Union européenne concernant la privatisation des chemins de fer européens. Les dirigeants de l’Union ont fortement insisté sur l’ouverture de la concurrence sur les voies ferrées, envisageant même de financer des entreprises privées en concurrence directe avec les opérateurs publics. Ainsi, l’opérateur français Kevin Speed, l’un des premiers à contester la domination de la SNCF sur les trains à grande vitesse en France, pourrait bientôt bénéficier d’un financement important de la part de l’UE. La Banque européenne d’investissement (BEI) envisage de soutenir les nouveaux venus à hauteur d’environ 400 millions d’euros, la valeur totale estimée du marché étant de 1 milliard d’euros.
Pendant ce temps, des batailles similaires se déroulent sur les voies espagnoles, alors que les nouveaux venus à petit budget comme Iryo et le français Ouigo tentent de se tailler une part du gâteau face à la domination de l’entreprise publique Renfe. Certains ont attribué à la récente libéralisation l’explosion de la popularité des chemins de fer espagnols. Selon un rapport sur la libéralisation des chemins de fer en 2023, les nouveaux entrants à petit budget ont attiré 26 % des parts de marché sur les lignes où ils sont autorisés à circuler, principalement parce que leurs billets étaient beaucoup moins chers.
Toutefois, la fragmentation des systèmes ferroviaires nationaux et les effets à long terme de la privatisation continuent de susciter des inquiétudes. Les défenseurs du secteur public, y compris les partis de gauche européens et les compagnies ferroviaires soutenues par l’État, ont mis en avant la libéralisation des chemins de fer dans des pays comme le Royaume-Uni, où l’ouverture des services au secteur privé a fini par entraîner une hausse des prix, une baisse de la qualité des services et une réduction de la couverture des zones rurales. Mais avec la force de l’UE derrière la libéralisation, il semble qu’il pourrait y avoir beaucoup plus de nouvelles compagnies ferroviaires privées sur les chemins de fer européens dans un avenir proche.
Pour en savoir plus :
- Kevin Speed, le rival à bas prix de la SNCF, pourrait obtenir un prêt de 400 millions d’euros de l’UE
- La bataille du budget ferroviaire en Espagne : Iryo propose la liaison Barca-Malaga
- Est-ce la libéralisation ? L’utilisation du train à grande vitesse en Espagne a bondi de 37 % en 2023