RailTech Europe 2024 : Construire le réseau ferroviaire à grande vitesse du futur
Pourriez-vous situer sur une carte les sept projets d’infrastructure ferroviaire les plus importants d’Europe ? C’est peut-être plus difficile que vous ne le pensez. Des participants venus de toute l’Europe ont relevé ces défis tout au long de la conférence RailTech Europe 2024, qui a débuté aujourd’hui au Jaarbeurs, à Utrecht. Le thème de la matinée ? Accélérer l’expansion du train à grande vitesse (TGV) en Europe.
À quelques pas de la gare la plus grande et la plus fréquentée des Pays-Bas, Utrecht Centraal, des passionnés du rail se sont réunis pour la première journée de la conférence RailTech 2024. Après un accueil chaleureux par la modératrice Marjorie van Leijen, les invités ont testé leurs connaissances sur sept grands projets d’infrastructure ferroviaire en Europe : le projet de port de communication central (CPK) en Pologne, le projet de TGV tchèque, la future liaison Budapest-Belgrade-Skopje-Athènes, le tunnel de base du Brenner sous les Alpes, la liaison TGV Murcia-Almeria en Espagne, le tunnel Fehmarnbelt qui reliera bientôt le Danemark à l’Allemagne et, enfin, Rail Baltica.
Rail Baltica : Connecter l’Europe d’ici 2030
Le public a ensuite pu découvrir plus en détail le projet Rail Baltica, grâce à Emilian Dang, directeur technique et membre du conseil d’administration de RB Rail. Il a présenté l’ambitieux projet Rail Baltica, qui vise à répondre aux besoins en matière de transport, de défense et d’économie d’ici à 2030. Cette initiative vise à relier la Finlande et à faire partie de deux grands corridors : les routes Mer du Nord-Mer Baltique et Mer Noire-Mer d’Asie. Le projet se heurte à l’incompatibilité de l’écartement des voies de la Baltique avec la norme européenne héritée de l’époque soviétique. Des efforts de normalisation sont en cours, notamment par la mise en œuvre de spécifications techniques d’interopérabilité (STI), l’ERTMS et l’électrification, dans le but d’assurer un trafic transfrontalier homogène.
Rail Baltica promet des avantages significatifs, en réduisant de moitié la durée des trajets entre des villes comme Riga, Tallinn et Vilnius, avec l’espoir de futures liaisons par train de nuit vers Berlin et Rotterdam. Toutefois, l’amélioration de l’expérience des passagers, en particulier des systèmes de billetterie et de réservation, reste une priorité. Malgré les difficultés, les progrès sont évidents. La construction des 100 premiers kilomètres de voies ferrées devrait débuter en 2024, les appels d’offres étant en cours et les financements recherchés auprès des secteurs public et privé. Selon M. Dang : « l’un des principaux défis est le coût énorme de l’investissement. Nous bénéficions du soutien de la Commission européenne, mais nous reconnaissons que nous ne pouvons pas compter uniquement sur l’argent public, c’est pourquoi nous cherchons à impliquer le secteur privé ». Plus de 300 partenariats avec des entreprises de la Baltique et de l’UE ont déjà été formés, avec « 4,7 milliards d’euros de contrats de fournisseurs signés », a-t-il déclaré.
Rail Baltica s’intéresse également au changement climatique et à la durabilité, en s’engageant à utiliser 100 % d’énergie renouvelable et à construire des infrastructures durables. « Aujourd’hui, ce n’est plus un besoin, c’est une nécessité pour la planète. J’espère qu’il se développera et qu’il augmentera l’attrait du transport ferroviaire, en particulier auprès de la jeune génération », a souligné M. Dang. Au cours d’une séance de questions-réponses, l’originalité du projet, qui s’étend sur trois pays, a été mise en évidence, soulignant son concept opérationnel unifié au-delà des frontières nationales. Grâce à une coopération et à des investissements continus, Rail Baltica a établi une nouvelle norme pour les projets transfrontaliers.
Borja Manzano Hidalgo, responsable BIM des sections estoniennes de Rail Baltica, et Blanca Ortiz, responsable de la durabilité ferroviaire et responsable BIM des infrastructures chez IDOM, ont souligné l’importance de la modélisation des données du bâtiment (BIM) pour améliorer l’efficacité de la conception, la durabilité et la qualité des décisions dans le cadre du projet Rail Baltica. Le projet Rail Baltica, qui s’étend sur 870 kilomètres à travers la Lituanie, l’Estonie et la Lettonie, est une initiative cruciale de l’UE en matière d’infrastructure, qui promet des économies significatives en termes de coûts de fret et de changement climatique, tout en visant des émissions de carbone minimales. Confrontée à des défis de coordination complexes lors de la conception de 389 kilomètres du projet, l’entreprise espagnole IDOM a adopté la méthodologie BIM. Hidalgo et Ortiz ont souligné comment l’adoption de la BIM leur a permis de relever efficacement ces défis, en fournissant un cadre pour une gestion de projet rationalisée et des résultats améliorés.
Vers un réseau européen MagRail
Michal Litwin a présenté la technologie MagRail comme le prochain saut dans le domaine des trains à grande vitesse (TGV), en déclarant : « Il s’agit de la prochaine génération de TGV, que nous appelons ultra-haute vitesse, avec des vitesses supérieures à 500 (550) km/h. » Le principal avantage de MagRail réside dans sa vitesse, qui permet d’élargir la clientèle et d’améliorer l’efficacité des déplacements. Avec des vitesses allant jusqu’à 550 km/h sur des lignes existantes où les trains conventionnels atteignent 300 km/h, MagRail offre des avantages significatifs.
Contrairement aux trains conventionnels, MagRail lévite sur la voie, éliminant les frottements et permettant des vitesses plus élevées. Cette innovation associe l’infrastructure ferroviaire existante à la technologie de lévitation magnétique (mag-lev), promettant une concurrence dès le premier jour et une intégration rapide dans le réseau ferroviaire européen. Contrairement aux systèmes mag-lev existants en Asie (tels que le train Bullet de Tokyo-Osaka au Japon), qui manquent d’interopérabilité avec les infrastructures existantes, MagRail vise une intégration transparente dans le vaste réseau ferroviaire européen. M. Litwin a insisté sur le potentiel de déploiement rapide, en tirant parti de l’infrastructure ferroviaire robuste de l’Europe grâce à des mises à niveau plutôt qu’à de nouveaux développements s’étalant sur plusieurs dizaines d’années.
M. Litwin a également évoqué des innovations telles que l’HyperLoop et le MagRail Booster. Alors que l’HyperLoop vise des vitesses élevées dans des tunnels sous vide, ses difficultés d’intégration dans les centres-villes entravent sa vitesse de déplacement moyenne. En revanche, le MagRail Booster, équipé d’un moteur de propulsion entre les voies, permet des déplacements entièrement électriques et automatisés sans locomotive. Litwin espère obtenir le premier contrat commercial pour le MagRail Booster cette année, avec un déploiement prévu pour 2025. Avec l’idée de Nevomo d’appliquer une nouvelle technologie à l’infrastructure existante, Litwin considère que la technologie de Nevomo sera « une concurrence dès le premier jour » pour les industries ferroviaires et aériennes. Il fait l’éloge de l’infrastructure ferroviaire européenne en déclarant : « Il s’agit simplement de la moderniser maintenant. C’est la prochaine étape pour nous tous ».
Le train à grande vitesse : une vision pour une connectivité européenne durable
Au cours des discussions sur l’expansion du réseau ferroviaire européen, M. Dang a de nouveau insisté sur la nécessité de diversifier les sources de financement : « Nous ne pouvons pas compter uniquement sur l’argent public, car ce n’est pas le moyen le plus efficace d’assurer le bon déroulement des opérations. C’est un véritable défi que de trouver des moyens d’attirer le secteur privé vers ce type d’investissements. Avec des fonds immédiatement disponibles, nous pourrions accélérer le développement des projets. Pour Rail Baltica, nous avons l’intention d’avoir un opérateur privé ». Il a cité le succès de la France dans le lancement simultané de plusieurs projets de lignes ferroviaires à grande vitesse en 2010, l’attribuant à des schémas de partenariat public-privé qui ont apporté des financements supplémentaires. M. Dang a souligné l’importance de l’innovation dans la réalisation des projets, en particulier dans le cadre de la procédure de mise en concurrence pour l’obtention d’un financement de l’UE.
Peter Rummel, directeur de l’avancement des politiques d’infrastructure chez Bentley, a fait écho aux sentiments de Dang, soulignant l’importance de l’efficacité des outils, des processus et du traitement des données. Il a mis l’accent sur le défi que représentent les longs délais de déploiement des trains à grande vitesse (TGV), plaidant pour une plus grande flexibilité dans le transport ferroviaire afin de mieux concurrencer le transport aérien. M. Rummel a également abordé la question de la décarbonisation dans l’industrie de l’aviation, plaidant pour une évaluation holistique des options de voyage, y compris l’expérience complète du voyage et la concurrence potentielle des technologies émergentes telles que les voitures sans conducteur.
Les panélistes ont souligné l’importance des impacts économiques et sociaux dans la promotion de l’expansion du rail, citant des exemples du Japon et de l’Italie où la connectivité ferroviaire a stimulé la croissance économique. Ils ont insisté sur la nécessité de rendre les effets secondaires, tels que le développement régional et les avantages climatiques, plus évidents pour les investisseurs. Les membres de l’auditoire ont fait part de leurs préoccupations concernant le prix des billets et l’expérience des passagers, soulignant la nécessité d’unifier les plateformes de réservation et d’améliorer l’environnement des gares. Michał Litwin a suggéré que les économies d’échelle pourraient contribuer à réduire les prix des billets, tout en reconnaissant des défis tels que les redevances d’accès aux voies. Dans l’ensemble, le panel a souligné le potentiel de transformation du train à grande vitesse pour relier les villes européennes de manière durable, mais aussi la nécessité de solutions innovantes et d’une plus grande implication du secteur privé pour surmonter les défis financiers et opérationnels.
Cette conversation a clôturé la matinée de la conférence et les participants se sont séparés pour le déjeuner.
Pour en savoirplus :
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