Le Sénat français met en garde contre le nouveau modèle de financement des infrastructures ferroviaires
Pour financer les 300 millions d’euros destinés à l’investissement dans l’infrastructure ferroviaire française d’ici 2027, un nouveau contrat de financement a été établi par le gouvernement français, plaçant la SNCF dans une position délicate. Le Sénat français met en garde contre ce modèle qui risque d’entraîner une hausse des prix des billets pour les consommateurs.
En France, le réseau ferroviaire montre des signes de vieillissement accéléré. Il y a un an, le président de la SNCF, Jean-Pierre Farandou, a évalué les besoins d’investissement dans le secteur ferroviaire à 100 milliards d’euros sur 15 ans. En février dernier, un rapport du Conseil d’orientation des infrastructures indiquait que 2 milliards d’euros d’investissements supplémentaires par an étaient nécessaires pour moderniser le réseau ferroviaire. Le même mois, le Premier ministre français Élisabeth Borne a annoncé un investissement de 100 milliards d’euros dans les chemins de fer français, afin d’étendre et de moderniser le réseau.
Dans ce contexte, le gouvernement français s’est engagé à augmenter progressivement le contrat de performance avec le gestionnaire de l’infrastructure ferroviaire SNCF Réseau pour atteindre 4,5 milliards d’euros d’ici 2027, dont une augmentation annuelle d’un milliard d’euros pour la régénération des voies et de 500 millions d’euros pour la modernisation par l’intégration de nouvelles technologies de signalisation, selon BFM TV. Le nouveau contrat devrait être signé à l’automne 2024, comme le rapporte Le Figaro. Il en résultera un investissement annuel total de 1,5 milliard d’euros pour la modernisation de l’infrastructure ferroviaire. Si cette annonce semble positive pour les chemins de fer français, une question demeure : d’où viendra ce financement ?
Le coup de pouce budgétaire sera assuré par « une augmentation de l’affectation des bénéfices de SNCF Voyageurs », comme le souligne un rapport de la commission des finances du Sénat français, qui, au-delà de ses fonctions législatives, contrôle également les actions de l’administration par le biais de la publication de rapports. Au cours des années 2024, 2025 et 2026, la SNCF contribuera financièrement à cette initiative. Les 300 millions d’euros supplémentaires alloués à SNCF Réseau ne proviendront pas directement de l’Etat français mais des dividendes versés par le groupe SNCF à l’Etat, son unique actionnaire.
Selon Le Figaro, cette approche devrait perdurer pour les deux prochaines années, une décision étant attendue pour 2027. Techniquement, ces contributions financières du groupe public à sa filiale SNCF Réseau passent par un fonds commun alimenté par 60 % des bénéfices de SNCF Voyageurs et de ses filiales : Keolis et Geodis, selon le journal français.
Critique du nouveau modèle de financement
Cependant, le Sénat met en garde contre un modèle de financement du réseau ferroviaire qui pourrait avoir un impact sur le prix des billets, rapporte son média interne. Dans le cadre de l’examen du budget 2024 par le Sénat, un rapport de la commission des finances dénonce le choix de l’État de s’appuyer uniquement sur la SNCF pour les nouveaux investissements sur le réseau ferroviaire. Sans savoir si l’entreprise peut supporter ces nouveaux coûts, la commission prévient que cette stratégie » pourrait avoir un impact sur le prix des billets. «
« L’Etat ne cache pas son intention de faire financer par la SNCF elle-même la totalité de l’augmentation des investissements sur le réseau ferroviaire d’ici 2027 », ont déclaré les rapporteurs spéciaux du Sénat Marie-Claire Carrère-Gée et Hervé Maurey à la chaîne de télévision Public Sénat. Les sénateurs considèrent cette option financière comme risquée, d’autant plus qu’il n’est pas certain que la SNCF puisse supporter seule la charge financière de ces nouveaux investissements. Si la SNCF est actuellement en bonne santé financière, elle a déclaré à BFM TV que « pour les années à venir, il est trop tôt pour estimer sa capacité contributive, qui dépendra de ses résultats ». Si SNCF Voyageurs finance intégralement la modernisation ferroviaire de SNCF Réseau, la filiale devrait y consacrer 50 % de ses dépenses annuelles, contre 20 % actuellement, selon Public Sénat.
Les sénateurs considèrent également que ce modèle de financement est injuste, en particulier dans le contexte de la libéralisation du transport ferroviaire. Ils soulignent que SNCF Voyageurs pourrait être contraint, d’ici 2027, de financer la moitié des investissements de régénération et de modernisation d’un réseau sur lequel il fera circuler des trains en concurrence avec d’autres opérateurs ferroviaires qui ne contribueraient pas au fonds commun, selon Public Sénat.
Une situation difficile pour la SNCF
Au cours de cette année, les tarifs ont déjà augmenté en moyenne de 5 %. Selon les données de l’INSEE, les prix des billets de train auraient augmenté de plus de 8 % en moyenne entre juin 2022 et juin 2023. Cependant, dans le contexte de l’inflation et pour préserver l’attrait du voyage en train, le gouvernement influence la SNCF pour qu’elle évite les hausses de prix excessives, comme le rapporte BFM TV. La compagnie ferroviaire bénéficie d’un engouement sans précédent pour le train, ce qui se traduit par une augmentation significative de ses recettes. Elle doit cependant faire face à des dépenses importantes liées à l’acquisition de nouveaux trains à grande vitesse et absorber des coûts croissants tels que l’électricité nécessaire à la propulsion de ses trains. Traditionnellement, la SNCF ajuste le prix des billets pour résoudre cette équation financière.
« L’État fait des injonctions contradictoires », estime Arnaud Aymé, spécialiste des transports au cabinet Sia, auprès du Figaro. « En demandant à la SNCF de contribuer davantage à l’amélioration du réseau, il fait pression sur elle pour qu’elle soit plus rentable. Mais il veut aussi limiter l’augmentation du prix des billets de train. C’est un problème insoluble ». Beaucoup reste à voir, et il y a encore de la place pour une évolution avant la signature du nouveau contrat, car l’Autorité de régulation des transports (ART) doit encore donner son avis, et les régions doivent d’abord être consultées.
Pour en savoir plus :
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- Lancement du RER nouvelle génération à Paris
- L’Autorité des transports confirme l’impact positif de la concurrence