Les trente ans de la directive 91/440
Il y a 30 ans jour pour jour, était publiée la directive 91/440, point de départ d’un vaste renouvellement de la politique ferroviaire européenne. Cette directive a depuis été amendée et remplacée par quatre paquets législatifs ferroviaires qui ont eu un impact important sur le paysage du rail belge.
En 1986, les chefs d’Etat et de gouvernement de douze États, formant alors ce qui s’appelait la CEE, adoptaient une proposition de la Commission pour créer enfin ce que le traité de Rome s’était déjà engagé à bâtir en 1957 : un marché unique, c’est à dire « un espace sans frontières intérieures assurant la libre circulation des marchandises, des personnes, des services et des capitaux ». Au total, pas moins de 300 textes européens et des milliers de textes de transposition furent adoptés dans chacun des douze Etats membres. Ce cheminement marqua le point de départ de l’implication des Directives européennes dans les législations nationales.
Le développement important de la réglementation européenne atteindra rapidement le secteur ferroviaire de chaque pays. La Commission européenne, renforcée dans ses pouvoirs, était persuadée à l’époque que le meilleur remède était l’introduction de la concurrence dans un mode de transport protégé, presque partout, par un quasi-monopole national.
Plusieurs facteurs expliquent cette ligne de conduite de la Commission : les résultats positifs apportés par l’ouverture à la concurrence dans d’autres secteurs en monopole, la volonté d’un marché unique du transport « sans frontières », la montée des préoccupations environnementales ou encore les préoccupations liées aux dettes et aux financements des services publics. Mais surtout, le constat d’une chute drastique de ses parts de marché (entre 1970 et 1993, la part du ferroviaire est passée de 31,7 % à 15,4 % dans le transport de marchandises, et de 10,4 % à 6,4 % dans le transport de voyageurs) démontrait qu’il y avait clairement un problème de compétitivité par rapport aux autres modes de transport, dont la libéralisation naissante était très rapide et fournissait déjà ses premiers résultats.
Un texte fondateur
La directive 91/440 CEE du 29 juillet 1991 est le texte fondateur d’une longue suite législative qui transforma le rail belge et européen. Elle visait à faciliter l’adaptation des chemins de fer à la grande idée du marché unique et à accroître leur efficacité. Pour atteindre cet objectif, la directive imposait l’indépendance de gestion des entreprises ferroviaires par rapport à l’État. Elle prescrivait également la séparation comptable entre l’infrastructure et de l’exploitation des trains, dans le but d’accueillir d’autres opérateurs alternatifs. La séparation de ces deux activités pouvait également être organique ou institutionnelle, mais cela restait facultatif. Elle imposait aussi l’assainissement de la structure financière des entreprises ferroviaires dans le cadre d’une maîtrise plus générale des finances publiques de chaque pays.
Impact sur le paysage ferroviaire belge
La Belgique, dans la perspective d’une ouverture progressive à la concurrence de certains monopoles publics traditionnels, avait préalablement décidé de conférer un statut plus adapté à certaines entreprises publiques (rail, poste, télécoms). C’est dans cet esprit que la loi du 21 mars 1991 conféra l’autonomie de gestion à la SNCB, qui prit la forme d’une SA de droit public.
Il faudra cependant attendre l’arrêté royal du 5 février 1997, soit six années, pour exécuter concrètement la directive 91/440 CEE qui imposait la tenue des comptes distincts entre le service des trains et la gestion de l’infrastructure ferroviaire. Le cheminement législatif européens décliné dès 2001 par « paquets » contenant plusieurs directives, retranscrites dans le droit belge, aboutira finalement à l’éclatement de la SNCB en trois entités. Infrabel devenait, dès 2005, l’unique gestionnaire de l’infrastructure ferroviaire belge. Depuis 2014, l’architecture du service public ferroviaire a été ramenée à deux entités uniques de service public : Infrabel et SNCB.
Le premier train privé en Belgique fut un train de marchandise qui circula entre Duisbourg et Anvers le 3 avril 2002 pour le compte de la société Dillen et Le Jeune Cargo (DLC). La libéralisation belge a en fait surtout bénéficié au secteur du fret ferroviaire. En avril 2017, l’ancienne B-Logistics devenait une entreprise entièrement privée sous le nom de Lineas, aux côtés d’une douzaine d’opérateurs déjà actifs sur le réseau Infrabel. Ce sera le seul fait majeur de la libéralisation du rail belge : l’entièreté du fret ferroviaire du pays est exploitée par des opérateurs alternatifs privés.
Contrairement aux Pays-Bas et au Danemark, deux pays comparables, il n’y a pas en Belgique de services voyageurs concédés à d’autres entreprises alternatives. La SNCB demeure l’unique opérateur national en monopole. En revanche, les services internationaux sont partagés par une poignée d’opérateurs dans laquelle est impliquée la SNCB, sous forme de participation actionnariale (Thalys, Eurostar) ou par coopération (ICE vers l’Allemagne et trains « Benelux » vers les Pays-Bas). Si on additionne les 9 opérateurs alternatifs de fret ferroviaire, dont Lineas, ce sont 12 entreprises qui roulent actuellement sur le réseau Infrabel, la SNCB fournissant à elle seule 87% des trains-kilomètres.