La scission du réseau ? La mort de HR Rail ? Ce que le nouveau gouvernement belge signifie pour les trains
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En Belgique, cinq partis ont conclu un accord de coalition vendredi pour former un nouveau gouvernement dirigé par le conservateur flamand Bart De Wever. Cet accord a été conclu après plus de sept mois de négociations épineuses. Qu’est-ce que cela signifie pour le rail ? Rapidement, la nouvelle administration a déjà détaillé un plan général pour la nouvelle approche de la Belgique dans ce secteur. Voici les détails de la politique ferroviaire de la coalition Arizona, la manière dont HR Rail sera progressivement supprimée et les raisons de la colère du ministre des transports sortant.
La Belgique a finalement formé un nouveau gouvernement après des mois d’impasse, ouvrant ainsi la voie à Bart De Wever, qui deviendra le premier Premier ministre nationaliste du pays, issu de la région flamande néerlandophone. La nouvelle coalition gouvernementale, baptisée « Arizona » en référence aux couleurs du drapeau de l’État américain, rassemble cinq partis couvrant les divisions linguistiques et idéologiques du pays.
La Flandre néerlandophone est représentée par le parti conservateur N-VA (ECR) de M. De Wever, les démocrates-chrétiens (EPP) et le parti de gauche Vooruit (S&D), tandis que la Wallonie francophone est représentée par Les Engagés (RE) et le Mouvement réformateur (RE) de centre-droit. La coalition obtient une courte majorité de 81 sièges sur les 150 que compte le parlement belge, mais exclut notamment le Vlaams Belang (PfE), parti d’extrême droite qui prône l’indépendance de la Flandre.
En nu aan de slag !
Et maintenant, au boulot !
Und jetzt an die Arbeit ! pic.twitter.com/qtKCXucSeG
– Bart De Wever (@Bart_DeWever) 3 février 2025
Le chemin menant à l’accord a été long et complexe. Le pays détient le record des plus longues négociations pour la formation d’un gouvernement (541 jours en 2010-2011) en raison de l’obligation constitutionnelle de répartir le Conseil des ministres à parts égales entre les ministres francophones et néerlandophones. Début janvier, le roi des Belges Philippe a fixé une date limite à M. De Wever pour finaliser un accord, sous peine d’élections anticipées. Les négociations se sont étendues sur une session marathon de 60 heures, mais un accord a été conclu juste avant la date limite.
M. De Wever remplace le centriste libéral Alexander De Croo, dont la coalition de sept partis a mis 493 jours à se former en 2019-2020. Avec son nouveau gouvernement, la Belgique rejoint un nombre croissant de pays européens dirigés par des partis nationalistes de droite dure, tels que l’Italie de Giorgia Meloni et la Hongrie de Viktor Orbán. Mais qu’est-ce que cela signifie pour le rail en Belgique ?
Ce que le nouvel « accord de coalition fédérale » dit du rail
Heureusement, le nouveau gouvernement a déjà publié son « Accord de coalition fédérale 2025-2029 », qui définit les priorités politiques, le cadre de gouvernance et le programme législatif de la nouvelle administration. Ce document contient de nombreuses informations sur l’approche du gouvernement en matière de transport.
Sans donner trop de détails sur ce qui attend le secteur, la vision ferroviaire du nouveau gouvernement belge ne semble pas très différente de celle de ses prédécesseurs, du moins sur le papier. Il affirme vouloir renforcer la ponctualité, la transparence et l’intégration multimodale. Ces objectifs seront apparemment atteints en adaptant les horaires de l’opérateur national SNCB, en développant les services ferroviaires de banlieue et en coordonnant étroitement les opérateurs régionaux de transport en commun.
La modernisation des gares se poursuivra également, en mettant l’accent sur l’amélioration de l’accessibilité et la réaffectation des bâtiments vacants à un usage communautaire. Jusqu’ici, c’est très général. Toutefois, une référence spécifique est faite à un « système d’horaire de type suisse » qui est envisagé pour améliorer l’efficacité. Entre-temps, le transport de marchandises devrait bénéficier d’investissements, l’objectif étant de doubler les volumes de fret ferroviaire d’ici à 2030 (le même objectif que la dernière coalition), de renforcer les liens avec les ports et les plateformes logistiques et d’encourager le transfert modal de la route vers le rail. Le gouvernement indique qu’il prévoit également d’éliminer progressivement les trains diesel au profit d’alternatives alimentées par des batteries lorsque cela est possible, ce qui constitue une extension du plan du dernier gouvernement.
Des trains autonomes et plus sûrs
La coalition s’est explicitement engagée par écrit à étudier la possibilité de mettre en place un système ferroviaire autonome. « Le gouvernement étudie la possibilité de déployer des trains autonomes, ce qui pourrait représenter un avantage pour le réseau ferroviaire belge. À cette fin, il s’appuie sur l’étude déjà demandée », peut-on lire dans le document. Mais pour replacer les choses dans leur contexte, le précédent gouvernement belge avait déjà chargé des entreprises comme Capgemini Belgium de travailler sur des études de faisabilité pour la prochaine génération de trains sans conducteur en Belgique.
L’accord vise également à encourager les billets de mobilité combinée, qui permettent aux passagers d’utiliser un seul abonnement pour les trains, les bus et les tramways. Des investissements dans les infrastructures cyclables et les parkings dans les gares sont également prévus afin d’améliorer la connectivité du premier et du dernier kilomètre. L’élimination des zones d’ombre Internet le long des itinéraires ferroviaires est également mentionnée, de même qu’une série d’engagements en matière de maintien de l’ordre dans les chemins de fer, notamment l’équipement des conducteurs de train avec des caméras corporelles, l’augmentation des patrouilles de police et la répression de la fraude tarifaire et des comportements agressifs dans les transports publics.
De grands bouleversements
Toutefois, en lisant entre les lignes, il semble qu’il y aura quelques bouleversements. « Pour préparer les entreprises ferroviaires belges à un avenir où la flexibilité et l’adaptabilité sont cruciales, il est nécessaire de moderniser la politique du personnel. Le gouvernement prendra les mesures nécessaires à cette fin », indique le document – ce qui semble potentiellement inquiétant pour l’opérateur et le gestionnaire national.
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En effet, HR Rail, la filiale commune de la SNCB et d’Infrabel chargée de la gestion des ressources humaines, sera profondément remaniée. Selon l’Accord, le rôle de HR Rail est devenu essentiellement redondant car « Infrabel et la SNCB se sont développées individuellement, de sorte que les besoins des deux entreprises ne correspondent plus », tandis qu’en raison des inefficacités apparentes causées, certaines tâches sont actuellement « exécutées en triple ».
En conséquence, le gouvernement a annoncé un gel immédiat des recrutements au sein de HR Rail et exigé une rationalisation des tâches. Cela signifie que les pouvoirs de sélection, de recrutement et de gestion du personnel seront transférés directement à la SNCB et à Infrabel – ce qui nécessite une modification légale de l’objet social de HR Rail.
Financement et transparence
Entre-temps, on s’efforce également de rendre Infrabel plus viable sur le plan commercial : « Nous faisons en sorte qu’Infrabel puisse développer des activités commerciales étroitement liées, en plus de ses activités réglementées. Nous pensons ici à la production d’énergie pour la recharge des bus électriques, à la fourniture d’électricité aux bâtiments environnants, etc.
En ce qui concerne le financement, la nouvelle coalition « renforcera la transparence financière et managériale » de la SNCB et d’Infrabel, « l’exécution, la réalisation et le financement des missions de service public » devant être « communiqués publiquement ». Elle ajoute que « pour souligner l’importance des investissements, des rapports financiers sont lancés qui répartissent les coûts et les revenus par ligne ferroviaire avec une distinction claire entre le transport de marchandises et le transport de passagers ».
Toutes les mesures nécessaires
Le changement le plus important pour le nouveau gouvernement est peut-être la façon dont il considère la SNCB à la lumière de la libéralisation des chemins de fer imposée par l’Union européenne. « Le prochain gouvernement fédéral devra décider de l’éventuelle prolongation de l’attribution directe à la SNCB », indique le document. « Ce gouvernement prendra toutes les mesures nécessaires pour préparer la résiliation et la poursuite de l’attribution directe.
Il s’agit du contrat de service public exclusif accordé à la SNCB pour l’exploitation des services ferroviaires intérieurs de la Belgique, qui permet à la société de fournir des services ferroviaires de passagers sans concurrence significative de la part d’opérateurs privés, en particulier dans le domaine du transport ferroviaire de passagers. L’expression « doit décider » implique que la nouvelle administration étudiera de près la question de savoir s’il faut ouvrir le marché ferroviaire belge à la concurrence, ou dans quelle mesure, en vertu d’une directive stricte de la Commission.
Cette décision a suscité la colère du ministre des transports sortant, Georges Gilkinet. Depuis vendredi, il a vivement critiqué le volet mobilité de l’accord du nouveau gouvernement belge, le qualifiant de « retour des travaux inutiles et reprise du démantèlement du service ferroviaire ». Il a également pointé du doigt les « options particulièrement inquiétantes du gouvernement en contradiction avec les intentions affichées ».
Une vision poétique ?
L’une de ses principales préoccupations est l’enthousiasme apparent pour la liaison ferroviaire vers l’aéroport de Charleroi (BSCA), qu’il qualifie de projet « le plus spectaculaire » mais inutile. « On peut se demander de quel cerveau de poète ou d’ingénieur il est sorti. La gare de Mons n’a-t-elle pas servi de leçon ? Il estime que ce projet ne devrait pas être une priorité et qu’il serait disproportionnellement coûteux, risquant de détourner des fonds de travaux plus urgents – par exemple, l’achèvement du RER (réseau express régional) et la modernisation de la ligne 162 entre Namur et Luxembourg.
Il a également critiqué la suppression de HR Rail, ainsi que les coupes budgétaires potentielles qui pourraient conduire à la fermeture d’arrêts de train ; la réduction du déficit budgétaire de la Belgique est une préoccupation majeure pour le nouveau gouvernement, ce qui entraînera probablement des coupes dans les services publics. Il prévient : « Si la SNCB et Infrabel redeviennent des variables d’ajustement budgétaire de l’Etat belge, comme cela est annoncé, il sera inutile de prétendre que nous voulons un transfert modal vers le train ».
L’élu de @TinneVdS comme ministre du Climat est Jean-Luc Crucke (Les Engagés) qui lui aussi a fait de la Mobilité une priorité.
L’ex-politicien MR, âgé de 62 ans, est également invité à participer au @NMBS @SNCB et à la lutte contre la fraude avec, entre autres, @skeyesBE_NL. @skeyesBE_NL et @BrusselsAirport pic.twitter.com/gAv8oU7hFQ– Luk De Wilde (@lukdewilde) 2 février 2025
Mais nous devrons attendre de voir comment les spécificités de la politique ferroviaire du nouveau gouvernement belge se dérouleront. Le nouveau Premier ministre s’est toujours montré très enthousiaste à l’idée d’apporter des changements significatifs dans le domaine des transports en Belgique. Par exemple, l’année dernière, il a évoqué les avantages d’une éventuelle division du réseau belge entre les régions. Cela signifierait que la Flandre serait responsable de l’organisation de son propre réseau, tout en permettant au marché de jouer un rôle plus important dans le réseau ferroviaire belge. Et ce, malgré les avertissements précédents selon lesquels un tel projet créerait un chaos pour la mobilité nationale et serait essentiellement « absurde ».
Jusqu’à présent, aucune mention n’a été faite des changements spécifiques apportés aux objectifs et aux plans de « RailVision2040 », l’initiative ferroviaire ambitieuse et très détaillée développée par l’ex-ministre Gilkinet pour moderniser le système ferroviaire belge au cours de la prochaine décennie. Le nouveau responsable de la mobilité en Belgique, Jean-Luc Crucke, qui a déjà été ministre régional pour les libéraux francophones, devra s’installer dans ses nouvelles fonctions. En fait, après sept mois de formation du gouvernement, il faudra attendre encore un peu avant qu’un programme ferroviaire clair ne se dessine.
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